Retour aux articles

CDU : application dans le temps de la suspension de la prescription de la dette douanière

Transport - Douane
09/06/2021
La suspension du délai de prescription de l’article 103 du Code des douanes de l’Union, consécutive à la mise en œuvre du droit d’être entendu de l’article 22 du même Code après le 1er mai 2016, s’applique à une dette douanière non encore prescrite au 1er mai 2016, selon un arrêt de la CJUE du 3 juin 2021.
Pour mémoire, l’article 103 du CDU, intitulé « Prescription de la dette douanière », fixe notamment les délais de prescription, mais prévoit aussi au § 3, b), un cas de suspension de ce délai lorsque : « les autorités douanières notifient au débiteur, conformément à l’article 22, paragraphe 6, les raisons pour lesquelles elles ont l’intention de notifier la dette douanière ; cette suspension s’applique à partir de la date de cette notification et jusqu’à la fin du délai imparti au débiteur pour lui permettre d’exprimer son point de vue. » Ce délai du DEE est de 30 jours selon l’article 8 du CDU, AD.
 
Dans l’affaire ici rapportée, un importateur a déclaré, le 4 juillet 2013, pour la mise en libre pratique un lot de marchandises en porcelaine originaire du Bangladesh, ce qui permettait de bénéficier d’un taux de droits de douane préférentiel de 0 %. Par la suite, des contrôles ont établi que le certificat d’origine était un faux et la Douane compétente a, par une lettre du 1er juin 2016, conformément à l’article 22, § 6, 1er alinéa, du CDU (qui est applicable depuis le 1er mai 2016 pour mémoire), informé l’opérateur qu’une dette douanière au taux normal de 12 % était née et qu’elle envisageait le recouvrement des droits de douane correspondants. Dans cette lettre, la Douane précise que l’importateur dispose, en vertu de l’article 8 du CDU, AD, d’un délai de 30 jours pour exprimer son point de vue à ce sujet. Le 18 juillet 2016, la dette douanière (née le 4 juillet 2013) a été notifiée au moyen d’un avis de paiement à l’opérateur. Autrement dit, la Douane estime que la suspension du délai de prescription de l’article 103 a joué, ce qui n’est pas le cas de l’opérateur qui considère que la dette est prescrite à cette date du 18 juillet. Des recours devant les juridictions nationales suivent et la CJUE est interrogée à titre préjudiciel.
 
En substance, il est notamment demandé si l’article 103, paragraphe 3, sous b) s’applique à une dette douanière née avant le 1er mai 2016 et non encore prescrite à cette date.
 
Rappel des principes de l’application dans le temps des dispositions du CDU
 
Les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué.

Une règle de droit nouvelle s’applique à compter de l’entrée en vigueur de l’acte qui l’instaure et, si elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises antérieurement à cette entrée en vigueur, elle s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Il n’en va autrement, et sous réserve du principe de non-rétroactivité des actes juridiques, que si la règle nouvelle est accompagnée des dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d’application dans le temps.
 
Règle de procédure, le DEE de l’article 22 s’applique à partir du 1er mai 2016
 
L’obligation d’information préalable prévue désormais à l’article 29 du CDU, lu en combinaison avec l’article 22, § 6, de celui-ci, constitue une règle de procédure mettant en œuvre le droit de l’intéressé d’être entendu avant l’adoption d’une décision lui faisant grief. Et la Cour a déjà retenu que la détermination des modalités par lesquelles la communication au débiteur du montant des droits est effectuée aux fins de l’interruption du délai de prescription constitue une modalité procédurale. Par conséquent, dès le 1er mai 2016, date d’entrée en application de l’article 22, § 6, et de l’article 29 précités, les autorités compétentes des États membres étaient tenues de respecter l’obligation d’information préalable prévue par ces dispositions, ce qui a été le cas dans l’affaire au principal.
 
Règle de fond, la suspension du délai de prescription de l’article 103, § 3, b), s’applique à la situation en cause par l’effet de la volonté du législateur de l’UE
 
La CJUE rappelle que l’ex-article 221, § 3, du CDC, en ce qu’il prévoyait qu’une dette douanière était prescrite à l’expiration du délai de trois ans fixé par cette disposition, édictait une règle de fond et ajoute qu’« une telle constatation est transposable à l’article 103, § 1 », du CDU, dans la mesure où cette dernière disposition a un libellé et une portée en substance identiques à la première disposition. De même, poursuit la Cour, l’article 103, § 3, sous b), qui prévoit l’allongement du délai de prescription de la dette douanière en cas de communication des motifs visée à l’article 22, § 6, du même code, doit également être regardé comme édictant une règle de fond. Par conséquent, l’article 103, § 3, b) ne saurait être appliqué aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l’empire du CDC, « à moins qu’il ne ressorte clairement des termes, de la finalité ou de l’économie du code des douanes de l’Union qu’il devait s’appliquer immédiatement à de telles situations ». Or, en l’espèce, à la date où l’article 103, § 3, b), est applicable, soit le 1er mai 2016, la dette douanière n’est ni prescrite ni éteinte : la situation juridique de l’opérateur au regard de la prescription de sa dette douanière n’était pas définitivement acquise, nonobstant la circonstance que cette dette est née sous l’empire du CDC et cet article peut s’appliquer aux effets futurs de la situation de l’opérateur que constituent la prescription et l’extinction de sa dette douanière.
 
Par ailleurs, s’agissant de l’articulation entre l’article 22, § 6, lu en combinaison avec l’article 29 de celui-ci, et l’article 103, § 3, la Cour ajoute que « ces règles de procédure et de fond forment un tout indissociable dont les éléments particuliers ne peuvent être considérés isolément quant à leur effet dans le temps » et qu’il importe « d’aboutir à une application cohérente et uniforme de la législation de l’Union en matière douanière ». Sur ce point, précise la Cour, « l’intention du législateur de l’Union a été, de manière concomitante, d’instituer, à l’article 22, paragraphe 6, (…), lu en combinaison avec l’article 29 (…), une obligation d’information préalable et de prévoir, à l’article 103, paragraphe 3, sous b), (…), la suspension du délai de prescription entraînée par cette information ». Autrement dit, le législateur de l’Union a volontairement visé, via la suspension visée à l’article 103, § 3, b), les situations telles que celle en cause au principal.
 
Par conséquent, la suspension de la prescription de l’article 103, § 3, b) (et l’article 124, § 1, a), du CDU s’appliquent à une dette douanière née avant le 1er mai 2016 et non encore prescrite à cette date.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy transport, tome 2,1499. La décision ici présentée est intégrée à ce numéro dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit