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Mission et responsabilité du commissionnaire en douane : grands principes

Transport - Douane
05/09/2021
À propos d’erreurs commises par un commissionnaire en douane s’agissant de marchandises bénéficiant du régime des retours, un arrêt du 30 août 2021 de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion rappelle classiquement la définition et les principes de responsabilité de ce professionnel du dédouanement.
Un opérateur a mandaté un commissionnaire en douane pour procéder à la gestion douanière des opérations concernant le mouvement à l'entrée et à la sortie de son entrepôt sous douane des marchandises et à leurs déclarations. Les droits et taxes, dont étaient le cas échéant redevables les marchandises, étaient imputés sur le crédit d'enlèvement auprès de la Douane du commissionnaire, ce dernier les refacturant ensuite à son client. Or, lors de la réimportation de marchandises (tabac) de l'Ile Maurice vers Mayotte, celles-ci ont été assujetties à des droits de douane à la suite des déclarations effectuées par le commissionnaire, alors que, selon son client, elles auraient dû bénéficier du régime des retours qui permet leur exonération. Ledit client lui demande de réclamer auprès de la Douane le remboursement de ces droits et taxes. Mais cette administration ne réserve pas une suite favorable à la demande du commissionnaire en ce sens, au motif notamment que les pièces qu’il produit sont erronées ou incomplètes ou ne comprennent pas les bonnes mentions. Le client, estimant que son commissionnaire a commis des fautes dans l’exécution de son mandat, l’assigne en responsabilité mais est débouté en première instance, parce qu’il ne démontre pas qu'à l'époque de la réimportation des marchandises de l'île Maurice vers Mayotte il aurait fourni au commissionnaire les documents soi-disant pertinents, ce dernier n’ayant donc pas commis de négligence fautive.
 
En appel, la décision est censurée : le commissionnaire n'a pas rempli ses obligations de faire ou de conseil et a commis une double faute en ne démontrant pas avoir sollicité le régime des retours, ni avoir fait diligence pour obtenir le remboursement des taxes indûment payées.
 
Faute dans l’exécution des missions du commissionnaire
 
Déclarations et documents non conformes
 
Il est de jurisprudence constante que le commissionnaire en douane doit veiller à ce que les déclarations qu'il effectue en douane soient conformes à la réglementation en vigueur (voir n° 220). Or, dans cette affaire, à la lecture des décisions de la Douane, le commissionnaire a commis des erreurs dans le remplissage des formulaires et/ou des négligences quant à la qualité des documents produits, voire à leur communication et il n'a pas plus été en capacité de les corriger durant la période prévue à cet effet avant la notification des décisions définitives de rejet (voir n° 240).
 
Le commissionnaire n’avait pas non plus transmis les documents utiles à la Douane (exemplaires nº 1 des INF3) pour le bénéfice du régime des retours (voir n° 240).
 
Remarques
Pour échapper à sa responsabilité, le commissionnaire invoquait notamment pour sa défense que le pôle économique de la Douane lui a demandé d'établir les déclarations d’importation impliquant l’acquittement des droits et taxes, mais ne produit aucune pièce (notamment aucun mail ou courrier antérieur) venant confirmer d'éventuelles consignes du service des douanes ; or, en tout état de cause, il se devait d'en informer son client ce dont il ne justifie pas (voir n° 245). 
 
Devoir de conseil
 
La qualité de commissionnaire en douane impose un certain nombre d'obligations et notamment celles de conseiller son client et surtout de se renseigner sur le bien-fondé d’une position de la Douane qui lui demande de déclarer les importations entrainant l’acquittement des droits (alors surtout que dans cette affaire son client lui a indiqué de façon motivée que cette administration était dans l’erreur).
 
Le commissionnaire ne produit par ailleurs aucune pièce, alors qu’il se devait d'informer son client sur les éventuelles difficultés d'application des instructions qui lui étaient données, démontrant qu'il l’a mis en garde, et ce pour preuve du bon exercice de son devoir de conseil (voir n° 233).
 
Soin porté au document
 
Le commissionnaire invoque également l'incomplétude des dossiers mais, dans cette affaire, la marchandise litigieuse était nécessairement accompagnée (ou aurait dû l'être) des formulaires INF3 et, à supposer même que son client ne lui ait pas communiqué les pièces nécessaires au dédouanement des marchandises, il lui appartenait en tout état de cause (ce qu’il n’avait pas fait) de réclamer lesdites pièces et à défaut de les recevoir, d'informer par courrier son client de son impossibilité de traiter ses demandes (voir n° 240).
 
Enfin, les courriers du client mettent en lumière ses difficultés, voire l'impossibilité, d'obtenir de la part du commissionnaire la restitution des dossiers complets et les justificatifs des dates de notification des décisions de la Douane pour pouvoir exercer utilement son droit à recours (voir n° 240).
 
Rappel de rôle du commissionnaire en douane et des principes de sa responsabilité
 
Définition du commissionnaire en douane
 
Dans sa décision, la cour d’appel donne une définition classique du professionnel du dédouanement qu’est le commissionnaire (devenu le représentant en douane enregistré (RDE) avec le Code des douanes de l’Union) en précisant toutefois un devoir d’anticipation : « (...) le commissionnaire en douane agréé se définit comme étant la personne (physique ou morale) dont la profession consiste à gérer les formalités douanières pour le compte d'un tiers (…). Les formalités douanières étant relativement complexes, les professionnels du commerce international recourent donc souvent aux services des commissionnaires agréés en douane, spécifiquement qualifiés pour s'occuper de l'ensemble des formalités à l'importation comme à l'exportation. Le commissionnaire en douane agréé anticipe les difficultés qui pourraient se présenter au commerce de la marchandise en question. Les clients du commissionnaire en douane se voient ainsi décharger des questions de réglementation » (voir n° 220).
 
Responsabilité du commissionnaire en douane
 
La cour d’appel opère aussi un rappel des principes de responsabilité du commissionnaire en douane :
 
  • sa responsabilité varie selon l'expérience de son mandant (voir n° 225) ;
  • tenu d'un devoir de conseil, s'il n'est pas d'accord avec les instructions/positions de son client, il doit émettre des réserves et les formaliser (n° 233) ;
  • il se doit de connaître la position tarifaire des produits importés et les droits et taxes qui leur sont applicables (voir n° 225) ;
  • le commissionnaire agissant dans le cadre du mandat, il appartient au client de prouver l'existence d'une faute de la part du commissionnaire, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice (voir n° 232) ; 
  • le commissionnaire « peut » également conseiller ses clients afin de faciliter l'exportation et/ou l'importation de la marchandise échangée ; spécialiste salarié, il est investi d'un « large » devoir de conseil envers son client, en sa qualité de spécialiste de la législation douanière ; il lui appartient donc de l'informer des taxes applicables aux marchandises en fonction de leur provenance et de réclamer si nécessaire toutes informations complémentaires à son client sur la marchandise déclarée (voir n° 233) ;
  • en sa qualité de mandataire salarié spécialisé, le commissionnaire en douane doit veiller à ce que la déclaration qu'il effectue soit conforme à la réglementation douanière en vigueur et, le cas échéant, conseiller à son mandant, quand bien même celui-ci serait également agréé en qualité de commissionnaire en douane et aurait-il manqué à ses propres obligations, de faire modifier un document afin que l'importateur puisse bénéficier d'un avantage prévu par cette réglementation et émettre auprès de lui des réserves s'agissant des risques (rappelant Cass. com., 18 déc. 2012, nº 11-16.223, Bull. civ. IV, no 231) (voir n° 234).
 
Plus d'information sur ce sujet dans Le Lamy transport, tome 2. La décision ici exposée est intégrée aux numéros cités ci-dessus dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
  
Source : Actualités du droit