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Non-recouvrement a posteriori des droits de douane : quand apprécier la bonne foi de l’opérateur ?

Transport - Douane
01/02/2023
En application de l’article 220 de l’ex-Code des douanes communautaire, le non-recouvrement a posteriori des droits ensuite d’une erreur de la Douane, qui en l’espèce n’a pas contesté un classement à l’importation, implique d’apprécier la bonne foi de l’opérateur aussi après ladite erreur de cette administration, et non pas « exclusivement » au moment où l’importateur commence à déclarer ses marchandises sous une position erronée, selon un arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2023.
Pour mémoire, l'article 220, 2, b, de l’ex-Code des douanes communautaire (CDC), permettait qu'il ne soit pas procédé à une prise en compte a posteriori de ces droits, lorsque le montant des droits légalement dus n'a pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane. S’agissant de la bonne foi de l’opérateur, selon une jurisprudence constante, il importe de tenir compte de la nature de cette erreur au regard notamment de la complexité de la législation applicable, de l'expérience professionnelle de l'opérateur concerné et du degré de diligence dont il a fait preuve.
 
Appréciation de la bonne foi de l’opérateur lors de la déclaration...
 
À propos d’une erreur de la Douane qui n’avait pas contesté le classement à l’importation de cartouches d’encre par un opérateur, la cour d’appel de Rennes avait refusé en 2020 le bénéfice de cet article 220 à cet importateur en concentrant ses motifs sur l'appréciation des diligences de cet opérateur et en s'appuyant sur une formule de principe : « la diligence de l'opérateur s'apprécie au regard des doutes qu'il a pu avoir sur l'application de la réglementation douanière en cause et, dans l'affirmative, au regard des recherches auxquelles il a ou non procédé afin de connaître et de respecter cette réglementation ». Dans cette affaire, cette cour se fondait sur les éléments suivants : jusqu'en février 2012, les cartouches d'encre litigieuses étaient déclarées au sous-chapitre 3215 par le déclarant initial de l'importateur ; puis en février 2012, l'importateur recourant à un nouveau déclarant, ces marchandises ont été déclarées au sous-chapitre 8843, voire 8473 exonérées de droits de douane ; l'importateur a fait valoir que son nouveau déclarant avait modifié le classement en raison de l'existence de RTC avec classement au 8843 pour des produits dont la description pouvait apparaître similaire aux produits importés. Mais, pour la cour d’appel, l'importateur, « professionnel en matière de cartouches d'encre, pouvait comprendre à la lecture de ce RTC » qu'il ne justifiait pas le classement à la position 8443 : aussi, poursuivait-elle, l'importateur « pouvait avoir des doutes sur l'application de la réglementation douanière » et « en s'abstenant de déposer une demande de RTC (...), alors que seule la réponse de l'administration à cette demande aurait été de nature à la renseigner sans équivoque possible, [il] n'a pas procédé aux recherches nécessaires afin de connaître et respecter la réglementation ». Par conséquent, pour les juges du fond, « à défaut d'avoir effectué cette diligence, [l'importateur] ne peut se prévaloir utilement de sa bonne foi » et ne peut bénéficier des dispositions de l’article 220 (CA Rennes, 12 mai 2020, nº 19/03969, Prolaser c/ Administration des douanes et droits indirects et a. ; sur cet arrêt, voir notamment « Non-recouvrement a posteriori des droits de douane : un cas d’erreur active de la Douane, mais un défaut de diligence de l’opérateur », Actualités du droit, 19 mai 2020).
 
... et après l’erreur de la Douane.
 
En revanche, pour la Cour de cassation – qui retient notamment de l’arrêt d’appel que la lecture du RTC suffisait à l’importateur, professionnel en commerce de cartouches d'encre, pour considérer que l'existence d'une puce électronique n'était pas suffisante pour justifier un changement de position tarifaire et que, faute pour lui d'avoir sollicité un RTC pour ses propres cartouches, il n'a pas procédé aux recherches nécessaires pour connaître et respecter la réglementation –, cette juridiction du fond a privé sa décision de base légale « en se plaçant exclusivement à la date à laquelle [l’importateur] avait commencé à déclarer les produits litigieux sous la position 8443, en 2012, sans rechercher, comme il lui incombait si, à la suite de l'erreur commise par l'administration en 2013, [cet importateur] pouvait, de bonne foi, croire à l'exactitude de cette position ».
 
Autrement dit, selon nous, la bonne foi de l’opérateur afin de bénéficier de l’article 220 (et donc du non-recouvrement a posteriori des droits de douanes) doit être appréciée par le juge non pas seulement au moment où il a changé son classement en 2012 et n’a pas sollicité de RTC (avant l’erreur de la Douane tenant à ce qu’elle n’a pas contesté ledit classement), mais aussi après l’erreur de cette administration.
 
Et avec le CDU ?
 
La solution serait la même sous l’empire du Code des douanes de l'Union dont l’article 119 reprend quasiment à l’identique les dispositions de l’article 220 précité de l’ex-CDC.
 
 
Source : Actualités du droit