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AMR et DEE : preuve du non-examen par la Douane des arguments d’un opérateur et rejet par une « formule de style »

Transport - Douane
22/03/2021
À défaut d’examiner les contestations d’un opérateur et d’y répondre de manière motivée – en l’espèce via une « formule de style » –, la Douane viole l’article L. 80 M du LPF et ainsi prive ce contribuable d'une garantie et porte atteinte à ses droits de la défense et ce, peu important les éventuelles explications fournies par l’administration après que la décision de mise en recouvrement a été prise, selon un arrêt de la cour d’appel de Caen du 9 mars 2021.
Un opérateur qui a pour activité la production de spiritueux a fait l'objet de plusieurs contrôles et interventions du service des alcools et de la cidriculture de Caen à partir du 15 novembre 2010. Ceux-ci ont donné lieu à procès-verbaux d'intervention en particulier le 26 janvier 2015, le 2 février 2015 et le 12 février 2015. Un avis préalable de taxation a été établi par la Douane et reçu par l’opérateur le 23 février 2015. Un avis préalable de taxation additionnel a été également établi le 27 avril 2015. L’opérateur a formulé diverses observations à la suite de chacun de ces avis. En réponse à ces observations de l’opérateur, la Douane lui a adressé un procès-verbal de notification d'infraction confirmant les droits fraudés et faisant référence aux courriers de contestation ainsi qu'aux dispositions de l’article L. 80 M du LPF (voir ci-après), avant d'indiquer que « les arguments avancés conduisent le service à maintenir en l'état l'avis préalable de taxation établi le (…) ». Enfin, l’administration a établi un avis de mis en recouvrement le 3 juillet 2015. Cet AMR a fait l’objet d’une contestation de l’opérateur qui a été rejetée par l’administration. L’opérateur a saisi le juge pour obtenir l’annulation du rejet et de l’AMR et obtient en première instance et en appel gain de cause. Pour la cour d’appel de Caen, « en rendant une décision de mise en recouvrement sans examiner les contestations du contribuable et sans y répondre de manière motivée en violation de l’article L. 80 M du livre des procédure fiscales », la Douane « a privé le contribuable d'une garantie attachée à la procédure mise en œuvre à son encontre et ainsi porté atteinte aux droits de la défense (peu importe à cet égard les éventuelles explications fournies après que la décision de mise en recouvrement a été prise) ».
 
« Formule de style »
 
Pour la cour d’appel, il ressort certes de la formule précitée de l'administration que celle-ci a maintenu ses avis préalables de taxation en intégralité de telle sorte qu'elle a nécessairement rejeté les observations du contribuable, mais il lui appartenait donc de motiver ce rejet conformément à l’article L. 80 M du LPF. Or, pour la cour d’appel, « la phrase susvisée consistant à indiquer que "les arguments avancés conduisent le service à maintenir en l'état l'avis préalable de taxation (…)" ne vaut pas motivation ». Le « surplus du procès-verbal de notification d'infraction » ne comprenant pas non plus de réponse aux observations du contribuable, la Douane n'a par conséquent pas répondu aux arguments du contribuable de façon motivée avant de prendre sa décision de rejet.
 
Preuve de l’absence d’examen des arguments
 
Outre la formule « toute faite » de rejet des arguments qui ne constitue pas une motivation, la cour d’appel note qu’un des arguments de l’opérateur portait sur la prescription d’une partie de la dette et que la Douane limite d'ailleurs devant le juge sa demande de condamnation en tenant compte de cette prescription. Or, le fait que cet argument, « évident » selon le juge, n'ait pas été retenu après réception du courrier de contestation de l’opérateur confirme que la Douane n’avait pas examiné ces arguments, « sinon elle aurait manifestement constaté qu'une partie de la créance était prescrite », et qu’elle s’était « contentée d'une formule de style ».
 
Article 80 M du LPF et analogie avec l’article 67 D-1 du Code des douanes
 
L’article L. 80 M du livre des procédures fiscales dispose est relatif à la procédure d'imposition contradictoire en matière de contributions indirecte dispose notamment en son alinéa 2 :
  • que si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;
  • qu’il dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de taxation pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation ;
  • et qu’à la suite des observations du contribuable ou en cas de silence de ce dernier, à l'issue du délai de trente jours prévu à l'alinéa précédent, l'administration prend sa décision et, lorsqu’elle « rejette les observations du contribuable sa réponse doit être motivée ».
 
L’article 67 D-1 du Code des douanes dans sa version applicable depuis 2017 connaissant une rédaction similaire au fond, voire identique s’agissant du dernier tiret ci-dessus, la solution retenue ici par la cour d’appel s’appliquerait par analogie avec ce texte-ci.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 1005-1 et dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1669. La décision ici présentée est intégrée à ces numéros dans la version en ligne des ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit