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Webinaire de la Douane : accords commerciaux Afrique et Moyen-Orient et focus sur la Convention PEM modernisée

Transport - Douane
23/06/2021
Le 22 juin 2021, la Douane a organisé une conférence en ligne sur les accords commerciaux entre l’UE et les pays d’Afrique et du Moyen-Orient : présentation des différents accords et de « l’avancement » des négociations et point particulier sur les règles modernisées de la Convention paneuro-méditerranéenne (PEM).
Introduisant le sujet, Guillaume Vanderheyden, le sous-directeur du commerce international à la DGDDI évoque une nouvelle fois la mission d’accompagnement de la Douane à destination des opérateurs en France et à l’international, notamment avec les attachés douaniers sur ce point (voir notre actualité). Après avoir rappelé le webinaire dédié au bilan des trois ans de l’accord UE-Canada en mars 2021 (voir notre actualité) et celui relatif aux opportunités de l’ALE UE-Vietnam en avril 2021 (voir notre actualité), le sous-directeur ouvre le 22 juin 2021 la conférence en ligne portant sur les accords commerciaux avec l’Afrique et les pays du Moyen-Orient, avec un focus particulier sur la convention paneuro-méditerranéenne (PEM). Il souligne bien sûr l’enjeu économique du sujet : les prévisions de la Commission européenne tablant sur une diminution de 9 à 15 % des échanges ensuite de la crise du Covid-19, la résilience et l’adaptation des chaînes de production, et donc d’approvisionnement, peuvent constituer un remède utile.
 
Différents régimes commerciaux européens applicables en Afrique et au Moyen-Orient
 
Jonathan Gindt, chef du bureau des règles internationales du commerce et de l’investissement à la Direction générale du Trésor, dresse la liste des différents régimes commerciaux européens applicables et souligne le « patchwork de règles » en vigueur : le régime de droit commun de l’OMC, les trois régimes unilatéraux du SPG (qui va connaître une révision en 2022 et dont il sera question dès le 2nd semestre 2021 au niveau de l’UE) et des accords commerciaux entre l’UE et les partenaires. Pour ces derniers, il distingue entre les accords de partenariats économiques (APE) qui sont des accords asymétriques négociés avec les pays en développement de la zone ACP (permettant un accès sans droit de douane ni quota dans l’UE pour le commerce des biens), les accords de libre-échange (ALE) négociés avec les pays développés/certains pays en développement (permettant une réduction des droits de douane dans certains secteurs), les accords d’association (AA) qui renforcent des accords politiques plus larges, comme l’Union pour la méditerranée (permettant l’établissement progressif d’une zone de libre-échange après une période transitoire de 12 ans à partir de l’entrée en vigueur des accords), mais qui n’ont « pas beaucoup avancé » selon Jonathan Gindt, et les accords de libre-échange complet et approfondi (ALECA) négociés avec des pays voisins (comme l’Ukraine par exemple) qui visent à compléter les accords d’association existants (en approfondissant le démantèlement des droits de douane notamment). Les négociations d’un ALECA sont bloquées avec la Tunisie et le Maroc et n’ont jamais commencé avec l’Égypte, l’Algérie et la Jordanie.
 
Entrant dans le détail par pays de la zone Afrique et Moyen-Orient, le chef du bureau des règles internationales du commerce manifeste peu d’enthousiasme pour l’avenir et c’est un euphémisme. Pour l’AA avec l’Algérie, des difficultés passées quant à sa mise en œuvre sont soulignées et d’autres à venir sont envisagées. Pour l’ALECA avec l’Égypte, les discussions sont suspendues depuis 2013 et n’ont en fait jamais commencé. Les négociations avec la Lybie sont suspendues depuis 2011, date de la crise politique, et il n’y a pas de perspective sur ce point. Pour le Maroc, les négociations d’un ALECA en 2013 sont depuis gelées, mais il y a là plus d’espoir de relance de la négociation qu’ailleurs. Pour la Tunisie, là aussi les négociations d’un ALECA en 2015 sont suspendues depuis 2019, mais la perspective d’une relance de la négociation existe. Enfin, pour les pays du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar), les négociations d’un ALE sont suspendues depuis 2008 et aucune évolution n’est à attendre à court terme, toujours selon Jonathan Gindt.
 
Ce dernier termine toutefois sur trois notes positives en relevant qu’il existe un « espoir » pour un APE régional en Afrique de l’Ouest, que des APE intérimaires existent depuis 2016 avec la Côte d’ivoire et le Ghana et enfin qu’a été initiée au 1er janvier 2021 la ZLECAf, une zone de libre-échange du continent africain (regroupant 55 pays, ce qui en fait la zone d’échange la plus large au monde) qui offre un potentiel d’accroissement des exportations de l’UE vers ce continent et peut remettre en cause le patchwork des règles précité.
 
Sana Gahbri, responsable d’études réglementaires au service réglementations internationales de Business France, rappelle, s’agissant de l’accès aux marchés des pays d’Afrique et du Moyen-Orient, l’importance de la veille réglementaire et parfois les difficultés quant à son accessibilité : les textes connaissent des modifications sensibles en nombre qu’il faut vérifier avec les distributeurs/importateurs sur place ou avec des consultants et, dans le cas des pays du Moyen-Orient, l’accès aux textes en arabe peut aussi poser des problèmes quant aux traductions. Par ailleurs, une des premières questions à se poser pour un exportateur de l’UE concerne la possibilité d’importer dans un pays partenaire son produit (y est-il autorisé à l’importation ?). Ensuite se posent les questions relatives à l’autorisation d’importer/à la licence des importateurs, à l’enregistrement préalable pour certains produits (ce qui constitue, selon Sana Gahbri, la partie la plus contraignante mais pour laquelle le distributeur informe en principe l’exportateur), à l’évaluation de la conformité pour certains produits (qui doit avoir lieu en amont), à l’inspection avant embarquement de certaines marchandises et à la certification de conformité. Bien sûr, les documents nécessaires au dédouanement sont aussi à lister.
 
Focus sur la modernisation de la Convention PEM
 
Karine Boris-Treille de la DGDDI met en lumière les règles nouvelles de la Convention paneuro-méditerranéenne (PEM) qui concerne l’UE, l’AELE, la Turquie, les pays du bassin méditerranéen, les Balkans et les îles Féroé. Ces règles nouvelles, qui doivent entrer en vigueur au 1er septembre 2021, sont plus souples, plus adaptées aux chaines économiques et font bien sûr toujours bénéficier les opérateurs de droits réduits ou nuls.
S’agissant des principales nouveautés de la Convention PEM applicables à la rentrée 2021, Karine Boris-Treille souligne notamment :
  • la possibilité de calculer le prix départ usine (PDU) sur une valeur moyenne ;
  • une hausse de la rège de tolérance en poids ou en valeur qui passe de 10 à 15 % (il existe aussi des tolérances spécifiques) ;
  • la possibilité pour le textile de déroger à la règle de territorialité ;
  • la suppression de l’interdiction des ristournes, sauf pour le textile ;
  • le remplacement de la règle du transport direct par la règle de non-manipulation, ce qui implique moins de formalité et donc moins de contrainte pour les opérateurs ;
  • le cumul des ouvraisons dans une même zone (sauf pour le textile/habillement), et donc plus de cumul bilatéral et diagonal et une extension du cumul total ;
  • des règles de listes moins nombreuses et simplifiées ;
  • la validité des preuve de l’origine qui passe de 4 à 10 mois ;
  • et l’abandon de l’EUR-MED et de la déclaration d’origine EUR-MED.
 
S’agissant des négociations, la douanière souligne que, depuis 2012, elles n’ont pas permis d’aboutir à un vote à l’unanimité (sur les 24 parties, l’Algérie, la Tunisie et le Maroc sont les trois qui « bloquent ») et un plan B consiste donc à appliquer les règles nouvelles pour ceux qui le souhaitent parmi les 21 autres parties : on parle de règles « transitoires » qui s’appliqueraient entre ces 21 parties au 1er septembre 2021 (sous réserve de l’achèvement des procédures politiques et juridiques dans chaque pays) via des amendements aux protocoles origine des accords des pays souhaitant les appliquer sans attendre le vote à l’unanimité. Les règles de la Convention PEM actuelle s’appliqueraient donc en parallèle des règles nouvelles modernisées. L’application des règles nouvelles est facultative également : les opérateurs des 21 pays concernés pourront solliciter l’application du régime tarifaire des règles nouvelles ou des règles actuelles et il sera possible de changer à chaque flux. Les opérateurs utiliseront les preuves de l’origine spécifiques portant la mention « transitional rules » (EUR.1 ou déclaration d’origine, DO), sauf dans le cas des pays n’ayant pas accepté les règles modernisées avec lesquels il faudra utiliser les preuves actuelles. Par conséquent, deux ensembles de règles vont couvrir la zone PEM : cela peut paraitre complexe mais une note aux opérateurs de la DGDDI est en voie de finalisation, selon Karine Boris-Treille, et leur sera adressée pour éclaircir la situation.
 
Joëlle Da Fonseca-Ruellan, responsable des affaires économiques et européennes de l’Union des industries textiles (UIT), insiste sur l’enjeu économique très fort de la Convention PEM. Cet « outil indispensable » selon elle repose sur des rapports de sous-traitance avec la zone euro-méditerranéenne qui présentent des atouts indéniables par rapport à l’Asie en termes de coûts de main d’œuvre et de proximité. De plus, l’exemption des droits de douane n’est pas neutre : à défaut des effets tarifaires de la Convention PEM, un taux de 12 % serait appliqué à l’import. S’agissant des trois pays ci-dessus qui « bloquent », elle note aussi qu’il s’agit des trois plus gros partenaires de l’UE et que cela constituera un frein aux échanges et générera confusion et complexité.
 
Plus d’information sur ces sujets dans Le Lamy guide des procédures douanières, notamment aux n° 340-49 et n° 340-70 et s. Les éléments de la conférence ici présentés sont intégrés aux numéros concernés dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline au plus vite à compter de la publication de la présente actualité.
 
 
Source : Actualités du droit