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Rencontre avec les « attachés douaniers » : une troisième session très riche

Transport - Douane
03/10/2022
Des points d’actualité sur la Russie et le Brexit et un « tour du monde » des conseils utiles pour les opérateurs du commerce international : c’est le bilan des troisièmes « Rencontres internationales de la Douane » organisées le 23 septembre 2022 par la DGDDI qui a mis à l’honneur ses attachés douaniers.
Si, comme l’indique le site de la DGDDI, le rôle principal des attachés douaniers porte sur la lutte contre la fraude, ces agents exercent aussi une action économique d’une part en répondant aux questions des opérateurs du commerce international – par des conseils et informations sur la réglementation douanière applicable aux échanges entre la France et le ou les pays de leur zone de compétence – et d’autre part en aplanissant au besoin et si possible des problèmes rencontrés avec les administrations douanières dans ces pays.
 
Pour la troisième fois, les rencontres internationales de la Douane permettent à ces attachés douaniers de prodiguer leurs conseils utiles et d’exposer des points d’actualité.
 
Impacts douaniers du conflit vus de Russie

L’attaché douanier à Moscou présente l’impact sur les flux commerciaux et indique que les exportations des pays de l’UE ont fortement diminué. Dans le contexte de la contraction des marchés traditionnels, la Russie réagit en explorant des marchés alternatifs. En même temps, l’industrie locale cherche à prendre le relais. Les routes commerciales se sont complexifiées et des routes logistiques alternatives se développent.

Dans sa mission de conseil, l’attaché douanier fournit de premières informations aux entreprises sur le cadre des importations / exportations. Il indique que depuis le mois de mars, les autorités ont adopté des mesures ciblées de politique commerciale visant à éviter les pénuries. Sur des secteurs bien définis, elles utilisent la politique tarifaire et non tarifaire pour réguler le marché via les droits de douane, des quotas, des interdictions d’exportation. La douane russe joue un rôle de premier rang dans la protection du marché en facilitant le dédouanement de produits essentiels.

Enfin, il conseille aux entreprises d’accorder la plus grande attention à la préparation des opérations d’exportation en Russie et en particulier à l’exactitude des poids et des valeurs. Dans son rôle de protection des intérêts financiers, la douane russe contrôle étroitement ces éléments.
 
Remarques
Au titre des contre-mesures prises par la Russie, est aussi soulignée l’interdiction au 1er octobre 2022 des camions de l’UE sur le territoire russe : il faudra donc décharger ou changer de véhicules tracteurs à la frontière.
 
Brexit un jour, Brexit toujours
 
L’attaché douanier à Londres, et le chargé de mission Brexit, font un point commun sur l’actualité du Brexit et surtout les incertitudes qui l’entourent. L’attaché douanier souligne en effet des incertitudes politiques d’une part, avec un projet de loi spécifique sur le protocole de l’Irlande du Nord, réglementaires d’autre part pour les opérateurs, notamment s’agissant des contrôles SPS (sanitaires et phytosanitaires).
 
Contrôles Sanitaires et Phytosanitaires (SPS). – Pour le chargé de mission Brexit, l’efficacité du SI Brexit, la « frontière intelligente » côté Union européenne, est avérée (9 camions sur 10 passent sans être arrêtés même s’il y a eu un accroissement des formalités : + 60 % de déclaration transit ; + 30 % d’importation en France et des exportations de France vers le RU multipliées par 6,5). En revanche, le rétablissement des formalités et contrôles côté anglais est selon lui « plus séquencé » : côté Royaume-Uni, le contrôle évolue pas à pas, sans big-bang (formalités/contrôles à l’exportation au 1er janvier 2021 ; EXS au 1er octobre 2021 et formalités/contrôles à l’importation au 1er janvier 2022). Pour le cas particulier des contrôles SPS, après de multiples reports leurs rétablissements étaient annoncés par phases les 1er juillet 2022, puis 1er septembre et 1er novembre 2022. Or, le 28 avril 2022, le RU a encore annoncé non pas un nouveau report, mais une sorte de « reset », pour repenser très largement la manière de concevoir leur frontière extérieure (voir ci-dessous) ; les dates précitées ne sont donc plus d’actualité et la nouvelle échéance porterait sur 2024 ou 2025. Autrement dit en matière SPS, il n’y a pas de contrôle en frontière et peu de formalité, notamment pas de certificat sanitaire encore exigible, ni de pré-notification pour toutes les marchandises.
 
Point d’alerte
S’agissant du bénéfice des préférences tarifaires de l’accord UE-RU, ce dernier prévoit bien sûr que les opérateurs soient à même d’en bénéficier s’ils le demandent, mais ils doivent le justifier avec les attestations ou la « connaissance de l’importateur » ce qui implique qu’ils disposent des documents utiles. Or, si la première année, il n’y avait pas de document à détenir lors du dédouanement mais seulement après, cette période est désormais terminée et il faut sensibiliser les opérateurs sur de potentiels « contrôles à venir ».
 
« Repenser la frontière » coté RU. – L’attaché douanier à Londres liste encore 4 points d’attention :
  • à l’importation au Royaume-Uni se dessine un mouvement vers « un unique système de dédouanement » et la fermeture au 1er octobre 2022 du système CHIEF a été prévue ; toutefois, ajoute-t-il, au début de la semaine a été annoncé son maintien dans l’hypothèse où des opérateurs demandent l’autorisation de l’utiliser ; à l’exportation, la fermeture de CHIEF a lieu en 2023 ;
  • des incertitudes réglementaires demeurent aussi sur l’interprétation de la réglementation côté britannique s’agissant par exemple des documents d’ordre public (DOP) comme dans le domaine de la CITES ; un opérateur a par exemple connu un blocage pendant un mois de ses marchandises ;
  • au 1er janvier 2023, le marquage de conformité change au Royaume-Uni (UKCA/UKNI) ;
  • le RU souhaite repenser la frontière de demain, réviser sa philosophie de la frontière : ainsi, en matière de déclaration de sécurité-sûreté, l’objectif serait de limiter les saisies dans différents systèmes applicatifs ; en matière de contrôle SPS, l’enjeu est de trouver un équilibre entre la sécurité sanitaire et la fluidité des flux avec – au conditionnel – une cartographie des risques qui irait de « faible » (avec prénotification), à « moyen », et finirait par « élevé » (prénotification et contrôle documentaire et physique) ; enfin, s’agissant des opérateurs de confiance, une réflexion est engagée par les autorités britanniques pour créer un nouveau statut, ces dernières étant néanmoins conscientes d’un éventuel caractère redondant avec l’OEA, et des questions des reconnaissances mutuelles.
Et encore de par le monde...

L’attaché douanier à Washington rappelle qu’en plus des douanes US de très nombreuses agences – qu’il faut connaître – peuvent intervenir par secteur (comme celles sur les tabacs, les alcools, les armes, la nourriture, etc.) et que les opérateurs sont face à « une administration rigoureuse sur les process et les documents », ce qui implique de bien préparer son opération (si les documents utiles sont absents ou si le broker n’est pas réactif, il devient très difficile de remédier aux blocages initiaux). De plus, il insiste aussi notamment sur le caractère indispensable du code MID qui identifie le fabricant, préconise le recours à des brokers éprouvés (obligatoire selon les seuils), et rappelle la présence requise de la facture proforma. Pour autant, la réglementation américaine comporte des règles favorables aux importateurs qu'il faut savoir utiliser, tels que le seuil des minimis de 800 dollars pour le fret express et postal, ou encore la « règle de la première vente » qui permet des économies substantielles. Il sensibilise par ailleurs les participants aux contrôles relatifs aux marchandises qui ne doivent pas provenir du travail forcé (procédure actuellement appliquée aux marchandises en provenance du Xinjang où la charge de la preuve est inversée et pèse sur l’opérateur), ou encore sur le nouveau système de dédouanement ACE 2 via un guichet unique interconnecté, qui sera mis en production dès 2025.

L’attaché douanier à Dubaï fait un focus sur le système de dédouanement égyptien (Advanced Cargo International, ACI) qui existe depuis deux ans (sur ce sujet voir aussi Égypte : Advanced cargo information (ACI) pour de nouvelles formalités à l'importation, Actualités du droit, 28 juin 2021).

L’accord d’association entre l’UE et Monaco, Andorre et San marin (AMS) qui pourrait être effectif en 2024 est aussi évoqué.

La mise en oeuvre des accords de Bangui s’agissant des droits de propriété intellectuelle sur le continent africain est aussi exposée par l'attaché douanier à Dakar pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Celui-ci fait le point sur les nouvelles dispositions de l'accord de Bangui. Entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2022, elles rendront applicable, pour les marques, les dessins et modèles, la mise en oeuvre de la retenue douanière dans l'espace OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuel). L'attaché douanier rappelle également le dispositif juridique prévu et le rôle des différents acteurs ; il souligne le quantum des sanctions prévu pour les infractions : elles ont été multipliées par 5 depuis la modification de l'accord signé initialement.

Enfin, l’attaché douanier pour le Brésil rappelle que malgré le contexte politique « peu favorable » aux développements des échanges et à un accord, la France a une place majeure dans la relation avec ce pays et y est bien implantée (même si l’UE n’est pas un partenaire majeur du Brésil). Il ajoute que les droits de douanes demeurent sensibles, tout comme les barrières non tarifaires, ce qui explique cette implantation sur place des opérateurs pour contourner ces aspects. Il souligne encore une information « mal connue » : la suppression depuis le 1er janvier 2022 du recours au carnet ATA avec ce pays.
 
L’évènement sera rediffusé sur gotowebinar prochainement, sur inscription préalable.
 
Sur ces rencontres internationales de la Douane en 2021, voir Webinaire de la Douane : accords commerciaux Afrique et Moyen-Orient et focus sur la Convention PEM modernisée, Actualités du droit, 23 juin 2021,  et en 2019, voir Attachés douaniers : le 1er rendez-vous, Actualités du droit, 21 mai 2019.
 
 
Source : Actualités du droit