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SITL 2024 et MACF : premier bilan, points d’attention et défis

Transport - Douane
27/03/2024
Lors d’une conférence à la SITL le 21 mars 2024, opérateurs économiques et administration attirent encore l’attention sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières : manifestement encore insuffisamment connu des opérateurs, ce MACF fait l’objet d’un bilan pour le moins mitigé s’agissant du dépôt des premiers rapports, mais des recommandations, des conseils et des perspectives d’amélioration sont à noter.
L’objectif de la réglementation MACF est rappelé par Marc Loning de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) : mettre un prix du carbone sur les importations pour éviter les « fuites de carbone ». À grands traits, il résume aussi le mécanisme et son esprit : opérateurs concernés (les importateurs des produits dont les codes NC sont visés par le règlement applicable, à partir d’un seuil de minimis de 150 euros) ; la période de transition jusqu’en 2025 pour les opérateurs, les producteurs et les administrations afin de comprendre le mécanisme et d’arriver à une balance équilibrée entre le coût et les bénéfices du système ; le rapport à déposer par les opérateurs décrivant les émissions de carbone ; l’échéance de 2026 lorsque le MACF devient « mordant » au niveau financier et lorsque seul le statut de « déclarant MACF autorisé » permettra d’importer et d’acheter les certificats MACF pour 2026 et de les restituer en 2027 (les dossiers pour l’obtention de ce statut seront à déposer en 2025).
 
Sur les deux règlements applicables au MACF, voir par exemple Importations et règlement MACF : quelles obligations pendant la période transitoire ?, Actualité du droit, 24 mai 2023 et Règlement d’application MACF pour la période transitoire : aspects douaniers et autres, Actualité du droit, 20 sept. 2023.
 
Premiers rapports déposés dans l’UE : quel bilan !
 
Olivier Thouard, le président de la commission douane de TLF Overseas expose les résultats d’une étude réalisée par le CLECAT (dont fait partie TLF) s’agissant du dépôt des premiers rapports dédiés au MACF en janvier 2024 : sur 12 pays interrogés, 2 ont indiqué ne pas avoir eu du tout accès au système informatique pour déposer ledit rapport, 4 ont mentionné que cela a été « très compliqué » en termes d’accès et les autres n’ont rien indiqué. Autrement dit, une disparité au niveau européen existe bel et bien s’agissant de la connexion aux systèmes. Lorsque l’accès a été possible, l’enquête indique encore :
  • que les opérateurs ont eu des difficultés à récupérer les informations des fournisseurs ;
  • que des instabilités des systèmes ont été constatées (avec des messages d’erreur, d’ailleurs parfois erronés et qui ont fait l’objet de corrections par la suite) ;
  • que des opérateurs n’étaient pas au courant de la récente réglementation (publiée en mai et août 2023), ni donc de leurs obligations de déposer le rapport à fin janvier 2024 pour les opérations du dernier trimestre 2023 ;
  • et qu’un manque de réponse aux questions posées par les opérateurs de la part des États membres et de la Commission européenne (tous manifestement débordés par les interrogations sur le sujet) est avéré.
 
Olivier Thouard ajoute encore, de son point de vue, une incompréhension par les opérateurs des missions de chacun : parce que la Douane était impliquée, il a notamment été imaginé (à tort) que les représentants en douane enregistrés (RDE) s’occuperaient de cette « déclaration », alors qu’ils n’ont pas à leur disposition les données utiles pour le rapport et que c’est à l’importateur de les chercher et de les fournir.
 
Le représentant de TLF overseas signale aussi que la Commission a publié les résultats concernant les rapports à différentes étapes :
  • sur les 70 000 rapports attendus, seulement un peu plus de 9 000 ont été déposés fin janvier 2024 et 14 408 fin février 2024, soit seulement près de 20 % (Marc Loning modère le chiffre attendu estimant que certains États membres ont commis des erreurs d’estimation en surévaluant le nombre de rapports) ;
  • 90 % des opérateurs avaient eu recours à des valeurs par défaut.
 
S’agissant des opérateurs qui n’auraient pas encore déposé leur rapport, la DGEC fait passer un message : il est toujours possible de le faire, ce qui permettra sa modification d’ici juillet (alors qu’à défaut de dépôt, la modification sera impossible et pourrait entrainer les sanctions prévues).
 
Vigilance sur les produits concernés et conseils de gestion
 
S’agissant des produits concernés, Marc Loning rappelle encore qu’il a été décidé de viser en principe des produits peu transformés mais très consommateurs de carbone, plus des produits transformés s’agissant de l’aluminium et de l’acier. L’attention des opérateurs doit être attirée sur ce point et Thibault Dollet, le responsable Douane de l’Oréal, souligne que, si les parfums n’étaient a priori pas visés par la réglementation MACF, son entreprise était en fait concernée avec les articles de conditionnement importés qui comportent ces dernières matières citées. Il lui a donc fallu impliquer la fonction achat pour obtenir des fournisseurs/producteurs les informations concernant leurs émissions de carbone à renseigner dans les rapports. Sur ce point, ce responsable douane ajoute encore l’utilité pendant la période transitoire du recours aux valeurs par défaut publiées par la Commission (à défaut d’obtention de la part de ses fournisseurs des valeurs sur lesdites émissions). Il alerte aussi sur la maitrise nécessaire des Incoterms dans le cadre du MACF (le recours au DDP par exemple rendrait compliquée l’obtention des informations).
 
Deux évolutions potentielles
 
À la suggestion de Thibault Dollet de fixer une valeur par défaut en dessous d’un seuil/volume de marchandises importées, lorsque le coût de gestion dépasserait le coût à payer, Marc Loning indique que la France a proposé à la Commission une simplification de la tache administrative en fonction du volume importé, lorsque celui-ci est faible et entrainerait par exemple l’achat d’un seul certificat. Une réponse de la Commission devrait arriver « vers l’été » selon ce dernier.
 
L’extension possible du MACF à d’autres produits est prévue dans les considérants du règlement applicable et vise la chimie et le raffinage par exemple, avec une période de transition qui serait plus courte que celle en cours. Fin 2025, la Commission publiera un rapport, puis une proposition sera faite s’agissant de l’extension.
 
Défi / défaut de communication ?
 
Le MACF serait-il « le secret le mieux gardé du monde », interroge le président de TLF qui regrette que très peu d’opérateurs soient au courant de l’existence de cette réglementation carbone. Le représentant de la DGEC indique qu’un renforcement de la communication est envisagé auprès des TPM/PME par une prise de contact de sa direction avec la CGPME, les FTPE et les CCE.
 
Sur des informations pourtant diffusées sur le MACF par la DGEC, voir MACF : informations et précisions lors du webinaire de la DGCE du 16 janvier 2024, Actualités du droit, 17 janv. 2024. Voir aussi MACF : enjeux et conseils de professionnels, Actualités du droit, 6 févr. 2024).
 
 
Source : Actualités du droit